sais rien. Toujours est-il qu’on en parle, et même beaucoup. Le public ne s’est pas entretenu d’autre chose dans la journée d’hier. Tout le monde est très sérieux, quoiqu’on n’ait encore aucune donnée positive. Sans doute les personnes plus intelligentes, les gens plus compétents se taisent, mais parmi ceux-ci plusieurs ne laissent pas d’écouter.
— Quelle bassesse ! Et… quelle bêtise !
— Eh bien, vous voyez, il faut maintenant que vous vous montriez pour fermer la bouche à ces imbéciles.
— Je l’avoue, je sens moi-même que je ne puis faire autrement, mais… si une nouvelle humiliation m’était réservée ? Si j’allais me trouver seule à ce bal ? Car personne ne viendra, personne, personne !
— Quelle idée ? On n’ira pas au bal ! Et les robes qu’on a fait faire, et les toilettes des demoiselles ? Vraiment, après cela, je nie que vous soyez une femme ! Voilà comme vous connaissez votre sexe !
— La maréchale de la noblesse n’y sera pas !
— Mais enfin, qu’est-ce qui est arrivé ? Pourquoi n’ira-t-on pas au bal ? cria-t-il impatienté.
— Une ignominie, une honte, — voilà ce qui est arrivé. Qu’y a-t- il au fond de tout cela ? Je l’ignore, mais, après une telle affaire, je ne puis pas me montrer au bal…
— Pourquoi ? Mais, au bout du compte, quels sont vos torts ? De quoi êtes-vous coupable ? La faute n’est-elle pas plutôt au public, à vos hommes respectables, à vos pères de famille ? C’était à eux d’imposer silence aux vauriens et aux imbéciles, — car parmi les tapageurs il n’y avait que des imbéciles et des vauriens. Nulle part, dans aucune société, l’autorité ne maintient l’ordre à elle toute seule. Chez nous chacun, en entrant quelque part, exige qu’on détache un commissaire de police pour veiller à sa sûreté personnelle. On ne comprend pas que la société doit se protéger elle-même. Et que font en pareille circonstance vos pères de famille, vos hauts fonctionnaires, vos femmes mariées, vos jeunes filles ? Tous ces gens-là se tai