hypocritement ; — les vers ont été apportés tout à l’heure, et j’ai pensé que, comme amusante plaisanterie…
— Vous n’avez nullement pensé cela. Se peut-il que cette ordure vous paraisse une amusante plaisanterie ?
— Oui, c’est mon avis.
— Vous mentez, et il est également faux que ces vers vous aient été apportés tout à l’heure. C’est vous-même qui les avez composés en collaboration avec Lébiadkine pour faire du scandale ; peut-être étaient-ils écrits depuis hier. Le dernier est certainement de vous, j’en dirai autant de ceux où il est question du sacristain. Pourquoi Lébiadkine est-il arrivé en frac ? Vous vouliez donc qu’il lût lui-même cette poésie, s’il n’avait pas été ivre ?
Lipoutine me lança un regard froid et venimeux.
— Qu’est-ce que cela vous fait ? demanda-t-il soudain avec un calme étrange.
— Comment, ce que cela me fait ? Vous portez aussi ce nœud de rubans… Où est Pierre Stépanovitch ?
— Je ne sais pas ; il est ici quelque part ; pourquoi ?
— Parce qu’à présent je vois clair dans votre jeu. C’est tout bonnement un coup monté contre Julie Mikhaïlovna. On veut troubler la fête…
De nouveau Lipoutine me regarda d’un air louche.
— Mais que vous importe ? répliqua-t-il avec un sourire, et il s’éloigna en haussant les épaules.
Je restai comme anéanti. Tous mes soupçons se trouvaient justifiés. Et j’espérais encore me tromper ! Que faire ? Un instant je pensais à consulter Stépan Trophimovitch, mais celui-ci, tout entier à la préparation de sa lecture qui devait suivre immédiatement celle de Karmazinoff, était en train d’essayer des sourires devant une glace : le moment aurait été mal choisi pour lui parler. Donner l’éveil à Julie Mikhaïlovna ? C’était trop tôt : la gouvernante avait besoin d’une leçon beaucoup plus sévère pour perdre ses illusions sur les « sympathies universelles » et le « dévouement fanatique »