— Je préviens, pardon, j’ai l’honneur de prévenir qu’il ne s’agit pas ici, à proprement parler, d’une ode comme on en composait autrefois pour les fêtes ; c’est plutôt, en quelque sorte, un badinage, mais on y trouve une sensibilité incontestable, relevée d’une pointe d’enjouement ; j’ajoute que cette pièce offre au plus haut degré le cachet de la réalité.
— Lis, lis !
Il déplia son papier. Qui aurait pu l’en empêcher ? N’était-il pas dûment autorisé par l’insigne honorifique qu’il portait sur l’épaule gauche ? D’une voix sonore il lut ce qui suit :
— Le poète complimente l’institutrice russe de notre province à l’occasion de la fête :
- Salut, salut, institutrice !
- Réjouis-toi, chante : Évohé !
- Radicale ou conservatrice,
- N’importe, maintenant ton jour est arrivé !
— Mais c’est de Lébiadkine ! Oui, c’est de Lébiadkine ! observèrent à haute voix quelques auditeurs. Des rires se firent entendre, il y eut même des applaudissements ; ce fut, du reste, l’exception.
- Tout en enseignant la grammaire,
- Tu fais de l’œil soir et matin,
- Dans l’espoir décevant de plaire,
- Du moins à quelque sacristain.
— Hourra ! Hourra !
- Mais dans ce siècle de lumière,
- Le rat d’église est un malin :
- Pour l’épouser faut qu’on l’éclaire ;
- Sans quibus, pas de sacristain !
— Justement, justement, voilà du réalisme, sans quibus y a pas de mèche !
- Mais maintenant qu’en une fête
- Nous avons ramassé de quoi
- T’offrir une dot rondelette,
- Nos compliments volent vers toi :
- Radicale ou conservatrice,
- N’importe, chante : Évohé !
- Avec ta dot, institutrice,
- Crache sur tout, ton jour est arrivé !