que vous me faites subir un interrogatoire ? Écoutez, commença soudain Pierre Stépanovitch avec une gravité extraordinaire. — Ce que j’ai vu à l’étranger, je l’ai fait connaître à quelqu’un lorsque je suis rentré en Russie, et mes explications ont été jugées satisfaisantes, autrement votre ville n’aurait pas en ce moment le bonheur de me posséder. Je considère que mon passé est liquidé et que je n’ai de compte à rendre à personne. Je l’ai liquidé non en me faisant dénonciateur, mais en agissant comme ma situation me forçait d’agir. Ceux qui ont écrit à Julie Mikhaïlovna connaissent la chose, et ils m’ont représenté à elle comme un honnête homme… Allons, au diable tout cela ! J’étais venu pour vous entretenir d’une affaire sérieuse, et vous avez bien fait de renvoyer votre ramoneur. L’affaire a de l’importance pour moi, André Antonovitch ; j’ai une prière instante à vous adresser.
— Une prière ? Hum, parlez, je vous écoute, et, je l’avoue, avec curiosité. Et j’ajoute qu’en général vous m’étonnez passablement, Pierre Stépanovitch.
Von Lembke était assez agité. Pierre Stépanovitch croisa ses jambes l’une sur l’autre.
— À Pétersbourg, commença-t-il, — j’ai été franc sur beaucoup de choses, mais sur d’autres, celle-ci, par exemple (il frappa avec son doigt sur la _Personnalité éclairée), _j’ai gardé le silence, d’abord parce que ce n’était pas la peine d’en parler, ensuite parce que je me suis borné à donner les éclaircissements qu’on m’a demandés. Je n’aime pas, en pareil cas, à aller moi-même au devant des questions ; c’est, à mes yeux, ce qui fait la différence entre le coquin et l’honnête homme obligé de céder aux circonstances… Eh bien, en un mot, laissons cela de côté. Mais maintenant… maintenant que ces imbéciles… puisque aussi bien cela est découvert, qu’ils sont dans vos mains et que, je le vois, rien ne saurait vous échapper, — car vous êtes un homme vigilant, — je… je… eh bien, oui, je… en un mot, je suis venu vous demander la grâce de l’un d’eux, un imbécile