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s’éleva la voix sonore d’Élisabeth Nikolaïevna interpellant Stavroguine.

— Nicolas Vsévolodovitch, un certain capitaine, du nom de Lébiadkine, se disant votre parent, le frère de votre femme, m’écrit toujours des lettres inconvenantes dans lesquelles il se plaint de vous, et offre de me révéler divers secrets qui vous concernent. S’il est, en effet, votre parent, défendez-lui de m’insulter et délivrez-moi de cette persécution.

Le terrible défi contenu dans ces paroles n’échappa à personne. Lisa provoquait Stavroguine avec une audace dont elle se serait peut-être effrayée elle-même, si elle avait été en état de la comprendre. Cela ressemblait à la résolution désespérée d’un homme qui se jette, les yeux fermés, du haut d’un toit.

Mais la réponse de Nicolas Vsévolodovitch fut encore plus stupéfiante.

C’était déjà une chose étrange que le flegme imperturbable avec lequel il avait écouté la jeune fille. Ni confusion, ni colère ne se manifesta sur son visage. À la question qui lui était faite, il répondit simplement, d’un ton ferme, et même avec une sorte d’empressement :

— Oui, j’ai le malheur d’être le parent de cet homme. Voilà bientôt cinq ans que j’ai épousé sa sœur, née Lébiadkine. Soyez sûre que je lui ferai part de vos exigences dans le plus bref délai, et je vous réponds qu’à l’avenir il vous laissera tranquille.

Jamais je n’oublierai la consternation dont la générale Stavroguine offrit alors l’image. Ses traits prirent une expression d’affolement, elle se