son intelligence, lors même qu’il aurait été un homme de peu de moyens (ce qui n’est pas du tout mon cas) ; or vous êtes cause, au contraire, que tout le monde ici me méprise ; c’est vous qui avez ainsi disposé l’esprit public… Je supprimerai la question des femmes, poursuivit-il avec véhémence, — je purifierai l’atmosphère de ce miasme ; demain, je vais interdire la sotte fête au profit des institutrices (que le diable les emporte !). Gare à la première qui se présentera demain matin, je la ferai reconduire à la frontière de la province par un Cosaque ! Exprès, exprès ! Savez-vous, savez- vous que vos vauriens fomentent le désordre parmi les ouvriers de l’usine, et que je n’ignore pas cela ? Savez-vous qu’ils distribuent exprès des proclamations, exprès ? Savez-vous que je connais les noms de quatre de ces vauriens, et que je perds la tête ; je la perds définitivement, définitivement !!!… »
À ces mots, Julie Mikhaïlovna, sortant soudain de son mutisme, déclara sèchement qu’elle-même était depuis longtemps instruite des projets de complot, et que c’était une bêtise à laquelle André Antonovitch attachait trop d’importance ; quant aux polissons, elle connaissait non-seulement ces quatre-là, mais tous les autres (en parlant ainsi, elle mentait) ; du reste, elle comptait bien ne pas perdre l’esprit à propos de cela ; au contraire, elle était plus sûre que jamais de son intelligence, et avait le ferme espoir de tout terminer heureusement, grâce à l’application de son programme : témoigner de l’intérêt aux jeunes gens, leur faire entendre raison, les surprendre en leur prouvant tout d’un coup qu’on a éventé leurs desseins, et ensuite offrir à leur activité un objectif plus sage.
Oh ! que devint en ce moment André Antonovitch ! Ainsi il avait encore été berné par Pierre Stépanovitch ; ce dernier s’était grossièrement moqué de lui, il n’avait révélé quelque chose au gouverneur qu’après avoir fait des confidences beaucoup plus détaillées à la gouvernante, et enfin ce même