ue ; je ne puis souffrir cette pitié russe, _et puis ça m’embête._
Mais Nastasia se retira sans qu’il fût besoin de l’inviter à sortir. Je remarquai qu’il avait toujours les yeux fixés sur la porte et qu’il prêtait l’oreille au moindre bruit arrivant de l’antichambre.
_— Il faut être prêt, voyez-vous, _me dit-il avec un regard significatif, — _chaque moment… _on vient, on vous prend, et ff…uit — voilà un homme disparu !
— Seigneur ! Qui est-ce qui viendra ? Qui est-ce qui peut vous prendre ?
_— Voyez-vous, mon cher, _quand il est parti, je lui ai carrément demandé ce qu’on allait faire de moi.
— Vous auriez mieux fait de lui demander où l’on vous déportera ! répliquai-je ironiquement.
— C’est aussi ce qui était sous-entendu dans ma question, mais il est parti sans répondre. _Voyez-vous : _en ce qui concerne le linge, les effets et surtout les vêtements chauds, c’est comme ils veulent : ils peuvent vous les laisser prendre ou vous emballer vêtu seulement d’un manteau de soldat. Mais, ajouta-t-il en baissant tout à coup la voix et en regardant vers la porte par où Nastasia était sortie, — j’ai glissé secrètement trente-cinq roubles dans la doublure de mon gilet, tenez, tâtez… Je pense qu’ils ne me feront pas ôter mon gilet ; pour la frime j’ai laissé sept roubles dans mon porte-monnaie, et il y a là, sur la table, de la monnaie de cuivre bien en évidence ; ils croiront que c’est là tout ce que je possède, et ils ne devineront pas que j’ai caché de l’argent. Dieu sait où je coucherai la nuit prochaine.
Je baissai la tête devant une telle folie. Évidemment on ne pouvait opérer ni perquisition ni saisie dans des conditions semblables, et à coup sûr il battait la campagne. Il est vrai que tout cela se passait avant la mise en vigueur de la législation actuelle. Il est vrai aussi (lui-même le reconnaissait) qu’on lui avait offert de procéder plus régulièrement ; mais, « par ruse », il avait repoussé cette proposi