Un long regard interrogateur, point trop étonné, du reste, fut la réponse de Dacha.
— Attends, tais-toi. D’abord, il y a une différence d’âge, une différence très grande ; mais, mieux que personne, tu sais combien cela est insignifiant. Tu es raisonnable, et il ne doit pas y avoir d’erreur dans ta vie. D’ailleurs, c’est encore un bel homme. En un mot, c’est Stépan Trophimovitch que tu as toujours estimé. Eh bien ?
Cette fois la physionomie de Dacha exprima plus que de la surprise, une vive rougeur colora son visage.
— Attends, tais-toi, ne te presse pas ! Sans doute, je ne t’oublierai pas dans mon testament, mais si je meurs, que deviendras-tu, même avec de l’argent ? On te trompera, on te volera ton argent, et tu seras perdue. Mariée à Stépan Trophimovitch, tu seras la femme d’un homme connu. Maintenant, envisage l’autre face de la question : si je viens à mourir, même en lui laissant de quoi vivre, — que deviendra-t-il ? C’est sur toi que je compte. Attends, je n’ai pas fini ; il est frivole, veule, dur, égoïste, il a des habitudes basses, mais apprécie-le tout de même, d’abord parce qu’il y a beaucoup pire que lui. Voyons, t’imagines-tu que je voudrais te donner à un vaurien ? Ensuite et surtout tu l’apprécieras parce que c’est mon désir, fit-elle avec une irritation subite, — entends-tu ? Pourquoi t’obstines-tu à ne pas répondre ?
Dacha se taisait toujours et écoutait.
— Attends encore, je n’ai pas tout dit. C’est une femmelette, — mais cela n’en vaut que mieux pour toi. Une pitoyable femmelette, à vrai dire ; ce ne serait pas la peine de l’aimer pour lui-même, mais il mérite d’être aimé parce qu’il a besoin de protection, aime-le pour ce motif. Tu me comprends ? Comprends-tu ?
Dacha fit de la tête un signe affirmatif.
J’en étais sûre, je n’attendais pas moins de toi. Il t’aimera parce qu’il le doit, il le doit ; il est tenu de t’adorer ! vociféra avec une véhémence particulière Barbara Pétrovna, — du reste, même en écartant cette considération, il