parti pour Pétersbourg avec ce personnage et sa famille. (N. B. Le comte avait trois filles à marier.)
— Je n’ai rien pu tirer d’Élisabeth, trop fière et trop entêtée pour répondre à mes questions, acheva Prascovie Ivanovna, — mais j’ai vu de mes yeux qu’il y avait quelque chose entre elle et Nicolas Vsévolodovitch. Je ne connais pas les causes de la brouille ; vous pouvez, je crois, ma chère Barbara Pétrovna, les demander à votre Daria Pavlovna. Selon moi, elle n’y est pas étrangère. Je suis positivement enchantée de vous ramener enfin votre favorite et de la remettre entre vos mains, c’est un fardeau de moins sur mes épaules.
Ces mots venimeux furent prononcés d’un ton plein d’amertume. On voyait que la « femme affaiblie » les avait préparés à l’avance et qu’elle en attendait un grand effet. Mais, avec Barbara Pétrovna, les allusions voilées et les réticences énigmatiques manquaient leur but. Elle somma carrément son interlocutrice de mettre les points sur les i. Prascovie Ivanovna changea aussitôt de langage : aux paroles fielleuses succédèrent les larmes et les épanchements du cœur. Comme Stépan Trophimovitch, cette dame irascible, mais sentimentale, avait toujours besoin d’une amitié sincère, et ce qu’elle reprochait surtout à sa fille Élisabeth Nikolaïevna, c’était de ne pas être pour elle une amie.
Mais de toutes ses explications et de tous ses épanchements il ne ressortait avec netteté qu’un seul point : Lisa et Nicolas s’étaient brouillés ; du reste, Prascovie Ivanovna ne se rendait évidemment aucun compte précis de ce qui avait amené cette brouille. Quant aux accusations portées contre Daria Pavlovna, non seulement elle ne les maintint pas, mais elle pria instamment Barbara Pétrovna de n’attacher aucune importance à ses paroles de tantôt, parce qu’elle les avait prononcées « dans un moment de colère ». Bref, tout prenait un aspect fort obscur et même louche. Au dire de la générale Drozdoff, la rupture était due à l’esprit obstiné et moqueur de Lisa ; quoique fort amoureux, Nicolas Vsévolodovitch s’était senti blessé dans son amour-propre par les railleries de la jeune fille,