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Chapitre V. Avant la fête.

I

Plusieurs fois la fête au profit des institutrices de notre province fut annoncée pour tel jour, puis renvoyée à une date ultérieure. Outre Pierre Stépanovitch, Julie Mikhaïlovna avait en permanence autour d’elle le petit employé Liamchine, dont elle goûtait le talent musical, Lipoutine désigné pour être le rédacteur en chef d’un journal indépendant qu’elle se proposait de fonder, quelques dames et demoiselles, enfin Karmazinoff lui-même. Ce dernier se remuait moins que les autres, mais il déclarait d’un air satisfait qu’il étonnerait agréablement tout le monde quand commencerait le quadrille de la littérature. Dons et souscriptions affluaient, toute la bonne société s’inscrivait ; du reste, on acceptait aussi le concours pécuniaire de gens qui étaient loin d’appartenir à l’élite sociale. Julie Mikhaïlovna trouvait qu’il fallait parfois admettre le mélange des classes ; « sans cela, disait-elle, comment les éclairerait-on ? » Le comité organisateur qui se réunissait chez elle avait résolu de donner à la fête un caractère démocratique. Le prodigieux succès de la souscription était une invite à la dépense ; on voulait faire des merveilles, de là tous ces ajournements. On n’avait pas encore décidé où aurait lieu le bal : serait-il donné chez la maréchale de la noblesse qui offrait sa vaste maison,