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il a des relations presque partout et qu’il possède une influence extraordinaire sur la jeunesse de la capitale. Si, par lui, je les attire et les groupe tous autour de moi, je les arracherai à leur perte en montrant une nouvelle route à leur ambition. Il m’est entièrement dévoué et suit en tout mes conseils.

— Mais, balbutia Von Lembke, — pendant qu’on les caresse, ils peuvent… le diable sait ce qu’ils peuvent faire. Sans doute c’est une idée, mais… tenez, j’apprends qu’il circule des proclamations dans le district de ***.

— Ce bruit courait déjà l’été dernier, on parlait de placards séditieux, de faux assignats, que sais-je ? pourtant jusqu’à présent on n’en a pas trouvé un seul. Qui est-ce qui vous a dit cela ?

— Je l’ai su par Von Blumer.

— Ah ! laissez-moi tranquille avec votre Blumer et ne prononcez plus jamais son nom devant moi !

La colère obligea Julie Mikhaïlovna à s’interrompre pendant une minute. Von Blumer qui servait à la chancellerie du gouverneur était la bête noire de la gouvernante.

— Je t’en prie, ne t’inquiète pas de Verkhovensky, acheva-t-elle ; — s’il fomentait des désordres quelconques, il ne parlerait pas comme il parle, et à toi, et à tout le monde ici. Les phraseurs ne sont pas dangereux. Je dirai plus : s’il arrivait quelque chose, j’en serais la première informée par lui. Il m’est fanatiquement dévoué, fanatiquement !

Devançant les événements, je remarquerai que sans l’ambition de Julie Mikhaïlovna et sa présomptueuse confiance en elle-même, ces mauvaises petites gens n’auraient pu faire chez nous tout ce qu’ils y ont fait. La gouvernante a ici une grande part de responsabilité.