évolodovitch. Deux ou trois fois pourtant la curiosité l’emporta sur la crainte, et la mère, d’un ton enjoué, reprocha à son fils de faire le cachottier avec elle. Le jeune homme sourit et continua à se taire. Son silence fut interprété comme une réponse affirmative. Eh bien, avec tout cela, Barbara Pétrovna n’oubliait jamais la boiteuse : alors même qu’elle rêvait au prochain mariage de son fils avec une des filles du comte K…, la pensée de Marie Timoféievna pesait toujours sur son cœur comme une pierre, comme un cauchemar, et l’inquiétait étrangement pour l’avenir.
Inutile de dire que la générale Stavroguine avait retrouvé dans la société la considération et les égards respectueux auxquels elle était accoutumée autrefois, mais elle ne profitait guère de cet avantage, allant fort peu dans le monde. Elle fit cependant une visite solennelle à la gouvernante. Naturellement personne n’avait été plus ravi que Barbara Pétrovna du langage tenu par Julie Mikhaïlovna chez la maréchale de la noblesse : ces paroles avaient ôté de son cœur un gros chagrin et tranché du coup plusieurs des questions qui la tourmentaient si fort depuis ce malheureux dimanche. « Je ne comprenais pas cette femme ! » décida-t-elle, et, franchement, avec sa spontanéité ordinaire, elle déclara à Julie Mikhaïlovna qu’elle était venue la _remercier_. La gouvernante fut flattée, mais se tint sur la réserve. Elle commençait à avoir le sentiment de son importance peut-être même l’avait-elle déjà un peu trop. Par exemple, elle observa, dans le cours de la conversation, qu’elle n’avait jamais entendu parler du mérite scientifique de Stépan Trophimovitch.
— Sans doute je reçois le jeune Verkhovensky et je m’intéresse à lui. Il est étourdi, mais on peut passer cela à son âge ; d’ailleurs il possède un solide savoir, et, après tout, ce n’est pas un critique fourbu.
Barbara Pétrovna se hâta de répondre que Stépan Trophimovitch n’avait jamais été critique, et qu’au contraire il avait passé toute sa vie chez elle. Dans la première partie