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pourrai la recevoir, que je la prie de suspendre ses visites… et que je l’appellerai moi-même quand le moment sera venu, tu entends ?

— Je le lui dirai, fit Alexis Égorovitch.

Il baissait les yeux, et son chagrin semblait prouver que cette commission ne lui plaisait guère.

— Mais dans le cas seulement où tu la verrais prête à entrer chez moi.

— Soyez tranquille, il n’y aura pas d’erreur. C’est par mon entremise que ses visites ont eu lieu jusqu’à présent ; dans ces occasions, elle s’est toujours adressée à moi.

— Je le sais ; mais, je le répète, pas avant qu’elle vienne elle- même. Apporte-moi vite du thé.

Le vieillard venait à peine de sortir quand la porte se rouvrit ; sur le seuil se montra Daria Pavlovna. Elle avait le visage pâle, quoique son regard fût calme.

— D’où venez-vous ? s’écria Stavroguine.

— J’étais là, et j’attendais pour entrer qu’Alexis Égorovitch vous eût quitté. J’ai entendu ce que vous lui avez dit, et, quand il est sorti tout à l’heure, je me suis dissimulée derrière le ressaut, il ne m’a pas remarquée.

— Depuis longtemps je voulais rompre avec vous, Dacha… en attendant… ce temps-là. Je n’ai pas pu vous recevoir cette nuit, malgré votre lettre. Je voulais moi-même vous répondre, mais je ne sais pas écrire, ajouta-t-il avec une colère mêlée de dégoût.

— J’étais moi-même d’avis qu’il fallait rompre. Barbara Pétrovna soupçonne trop nos relations.

— Libre à elle.

— Il ne faut pas qu’elle s’inquiète. Ainsi maintenant c’est jusqu’à la fin ?

— Vous l’attendez donc toujours ?

— Oui, je suis certaine qu’elle viendra.

— Dans le monde rien ne finit.

— Ici il y aura une fin. Alors vous m’appellerez, je viendrai. Maintenant, adieu.