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III

Deux fois plus grande que la pièce occupée par le capitaine, la chambre de Marie Timoféievna ne renfermait pas un mobilier plus élégant ; mais la table qui faisait face au divan était couverte d’une nappe de couleur, sur tout le parquet s’étendait un beau tapis, et le lit était masqué par un long rideau vert qui coupait la chambre en deux ; il y avait en outre près de la table un grand et moelleux fauteuil sur lequel pourtant Marie Timoféievna n’était pas assise. Ici comme dans le logement de la rue de l’Épiphanie une lampe brûlait dans un coin devant une icône, et sur la table se retrouvaient aussi les mêmes objets : jeu de cartes, miroir, chansonnier, tout jusqu’au petit pain blanc ; de plus, on y voyait un album de photographies et deux livres avec des gravures coloriées : l’un était une relation de voyage arrangée à l’usage de la jeunesse, l’autre un recueil d’histoires morales et pour la plupart chevaleresques. Ainsi que l’avait dit le capitaine, sans doute Marie Timoféievna avait attendu le visiteur, mais quand celui-ci entra chez elle, elle dormait, à demi couchée sur le divan. Nicolas Vsévolodovitch ferma sans bruit la porte derrière lui, et, sans bouger de place, se mit à considérer la dormeuse.

Le capitaine avait menti en disant que sa sœur avait fait toilette. Elle portait la robe de couleur sombre que nous lui avons vue chez Barbara Pétrovna. Maintenant comme alors son long cou décharné était à découvert, et ses cheveux étaient réunis sur sa nuque en un chignon minuscule. Le châle noir donné par Barbara Pétrovna était plié soigneusement et reposait sur le divan. Cette fois encore Marie Timoféievna était grossièrement fardée de blanc et de rouge. Moins d’une minute après l’apparition de Nicolas Vsévolodovitch, elle se réveilla