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eur de vous. Je suis bien curieux de voir comment vous vous présenterez demain. Pour sûr, vous avez préparé plus d’un tour. Ce que je vous dis ne vous fâche pas ?

Nicolas Vsévolodovitch ne répondit rien, ce qui agaça au plus haut point son interlocuteur.

— À propos, c’est sérieux, ce que vous avez dit à votre maman au sujet d’Élisabeth Nikolaïevna ? demanda-t-il.

L’interpellé attacha sur Pierre Stépanovitch un regard froid et pénétrant.

— Ah ! Je comprends, vous lui avez dit cela à seule fin de la tranquilliser ; allons, oui.

— Et si c’était sérieux ? fit d’une voix ferme Nicolas Vsévolodovitch.

— Eh bien, à la grâce de Dieu, comme on dit en pareil cas ; cela ne nuira pas à l’affaire (vous voyez, je n’ai pas dit : à notre affaire, _notre_ est un mot qui vous déplaît), et moi… moi, je suis à votre service, vous le savez vous-même.

— Vous pensez ?

— Je ne pense rien, reprit en riant Pierre Stépanovitch — car je sais que vous avez d’avance réfléchi à vos affaires et que votre parti est pris. Je me borne à vous dire sérieusement que je suis à votre disposition, toujours, partout, et en toute circonstance, en toute, vous comprenez ?

Nicolas Vsévolodovitch bâilla.

— Vous en avez assez de moi, dit le visiteur qui se leva brusquement et prit son chapeau rond tout neuf, comme s’il eût voulu sortir ; toutefois il ne s’en alla point et continua à parler, tantôt se tenant debout devant son interlocuteur, tantôt se promenant dans la chambre ; quand sa parole s’animait, il frappait sur son genou avec son chapeau.

— Je comptais vous amuser encore un peu en vous parlant des Lembke, dit-il gaiement.

— Non, plus tard. Pourtant comment va la santé de Julie Mikhaïlovna ?

— Quel genre mondain vous avez tous ! Vous vous souciez de sa santé tout juste autant que de celle d’un chat