Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/237

Cette page n’a pas encore été corrigée

Stépanovitch reparut chez nous ; il courut toute la ville, dîna chez Julie Mikhaïlovna, et, le soir, se rendit chez Barbara Pétrovna qui l’attendait avec impatience. La consigne fut levée, Nicolas Vsévolodovitch consentit à recevoir le visiteur. La générale conduisit elle-même ce dernier jusqu’à la porte du cabinet de son fils ; depuis longtemps elle désirait cette entrevue, et Pierre Stépanovitch lui avait donné sa parole qu’en sortant de chez Nicolas il viendrait la lui raconter. Barbara Pétrovna frappa timidement, et, ne recevant pas de réponse, se permit d’entre-bâiller la porte.

—Nicolas, puis-je introduire Pierre Stépanovitch ? demanda-t-elle d’un ton bas en cherchant des yeux le visage de son fils que la lampe lui masquait.

Pierre Stépanovitch fit lui-même la réponse :

— On le peut, on le peut, sans doute ! cria-t-il gaiement, et, ouvrant la porte, il entra.

Nicolas Vsévolodovitch n’avait pas entendu cogner à la porte, l’apparition du visiteur le surprit avant qu’il eût pu répondre à la timide question de sa mère. Devant lui se trouvait une lettre qu’il venait de lire et qui l’avait rendu songeur. La voix de Pierre Stépanovitch le fit tressaillir, et il se hâta de fourrer la lettre sous un presse-papier, mais il ne réussit pas à la cacher entièrement : un des coins et presque toute l’enveloppe restaient à découvert.

— J’ai crié exprès le plus haut possible, pour vous donner le temps de prendre vos précautions, fit tout bas Pierre Stépanovitch.

Son premier mouvement avait été de courir vers la table, et il avait tout de suite aperçu le presse papier et le bout de lettre.

— Et sans doute vous avez déjà remarqué qu’à votre arrivée j’ai caché sous un presse-papier une lettre que je venais de recevoir, dit tranquillement Nicolas Vsévolodovitch, sans bouger de sa place.

— Une lettre ? Grand bien vous fasse, que m’importe, à moi ? s’écria le visiteur, mais… le principal, ajouta-