Deuxième Partie
Chapitre premier. La Nuit.
I
Huit jours s’écoulèrent. Maintenant que tout cela est passé et que j’en écris la chronique, nous savons de quoi il s’agissait ; mais alors nous en étions réduits aux conjectures, et naturellement nous faisions les suppositions les plus étranges. Pendant les premiers temps, Stépan Trophimovitch et moi, nous restâmes enfermés, attendant avec inquiétude ce qui allait arriver. À vrai dire, je sortais encore un peu, et je rapportais à mon malheureux compagnon les nouvelles sans lesquelles il lui aurait été impossible de vivre.
Comme bien on pense, la ville n’avait pas tardé à apprendre le soufflet donné à Nicolas Vsévolodovitch, l’évanouissement d’Élisabeth Nikolaïevna, et les autres incidents survenus dans la journée du dimanche. Mais une chose nous intriguait : par qui tous ces faits avaient-ils pu être portés si vite et si exactement à la connaissance du public ? Aucune des personnes qui en avaient été témoins n’avait, semblait-il, le moindre intérêt à les ébruiter. Quant aux domestiques, pas un ne s’était trouvé à cette scène. Lébiadkine seul