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n’interrompez pas, n’interrompez pas, vous verrez, vous verrez…

_À cette vue, un grand cri,_ _S’adressant à Jupiter,_ _Sort aussitôt de leurs bouches_ _« Ne peux-tu donc pas ôter_ _« Ces intrus de votre verre ? »_ _Arrive un vieillard sévère,_ _Le très noble Nikifor._

— Je n’ai pas encore fini, mais cela ne fait rien, je vais vous raconter le reste en prose : Nikifor prend le verre, et, sans s’inquiéter des cris, jette les mouches, le cancrelas et tout le tremblement dans le bac aux ordures, ce qu’il aurait fallu faire depuis longtemps. Mais remarquez, remarquez, madame, que le cancrelas ne murmure pas ! Voilà la réponse à votre question, ajouta le capitaine en élevant la voix avec un accent de triomphe : « le cancrelas ne murmure pas ! » — Quant à Nikifor, il représente la nature, acheva-t-il rapidement, et, enchanté de lui-même, il reprit sa promenade dans la chambre.

— Permettez-moi de vous demander, dit Barbara Pétrovna outrée de colère, — comment vous avez osé accuser une personne appartenant à ma maison d’avoir détourné une partie de l’argent à vous envoyé par Nicolas Vsévolodovitch.

— Calomnie ! vociféra Lébiadkine avec un geste tragique.

— Non, ce n’est pas une calomnie.

— Madame, dans certaines circonstances on se résigne à subir un déshonneur domestique, plutôt que de proclamer hautement la vérité. Lébiadkine se taira, madame !

Sentant sa position très forte, il était comme grisé par la conscience de ses avantages sur son interlocutrice ; il éprouvait un besoin de blesser, de salir, de montrer sa puissance.

— Sonnez, s’il vous plait, Stépan Trophimovitch, dit Barbara Pétrovna.

— Lébiadkine n’est pas un niais, madame ! continua le capitaine en clignant de l’œil avec un vilain sourire, — c’est