Page:Dostoïevski - Les Possédés, Plon, 1886, tome 1.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

votre nom, dit- elle enfin d’un ton glacial, après avoir longuement examiné le visiteur.

— Le capitaine Lébiadkine, répondit ce dernier de sa voix sonore ; je suis venu, madame…

— Permettez ! interrompit de nouveau Barbara Pétrovna, — cette malheureuse personne qui m’a tant intéressée est en effet votre soeur ?

— Oui, madame ; elle a échappé à ma surveillance, car elle est dans une position…

Il rougit soudain et commença à patauger.

— Entendez-moi bien, madame, un frère ne salira pas… dans une position, cela ne veut pas dire dans une position… qui entache la réputation… depuis quelques temps…

Il s’arrêta tout à coup.

— Monsieur ! fit la maîtresse de la maison en relevant la tête.

— Voici dans quelle position elle est, acheva brusquement le visiteur, et il appliqua son doigt sur son front.

Il y eut un silence.

— Et depuis quand souffre-t-elle de cela ? demanda négligemment Barbara Pétrovna.

— Madame, je suis venu vous remercier de la générosité dont vous avez fait preuve sur le parvis, je suis venu vous remercier à la russe, fraternellement…

— Fraternellement ?

— C’est-à-dire, pas fraternellement, mais en ce sens seulement que je suis le frère de ma sœur, madame, et croyez, madame, poursuivit-il précipitamment, tandis que son visage devenait cramoisi, — croyez que je ne suis pas aussi mal élevé que je puis le paraître à première vue dans votre salon. Ma sœur et moi, nous ne sommes rien, madame, comparativement au luxe que nous remarquons ici. Ayant, de plus, des calomniateurs… Mais Lébiadkine tient à sa réputation, madame, et… et… je suis venu vous remercier… Voilà l’argent, madame !

Sur ce, il tira de sa poche un portefeuille et y prit un