trois quarts d’heure, à supposer même qu’il eût été immédiatement instruit de la scène qui s’était passée sur le parvis de la cathédrale. Il n’était pas ivre, mais se trouvait dans cet état de pesanteur et d’abrutissement où vous laisse une orgie prolongée durant plusieurs jours consécutifs.
Au moment où il entrait comme une trombe dans le salon, il trébucha dès le seuil sur le tapis. Marie Timoféievna éclata de rire. Le capitaine lui lança un regard féroce et s’avança rapidement vers Barbara Pétrovna.
— Je suis venu, madame… commença-t-il d’une voix tonnante.
— Faites-moi le plaisir, monsieur, dit Barbara Pétrovna en se redressant, de vous asseoir là, sur cette chaise. Je vous entendrai fort bien de là, et je pourrai mieux vous voir.
Le capitaine s’arrêta, regarda devant lui d’un air hébété, mais revint sur ses pas et s’assit à la place indiquée, c’est-à-dire tout près de la porte. Sa physionomie était celle d’un homme qui joint à une grande défiance de lui-même une forte dose d’impudence et d’irascibilité. Il ne se sentait pas à son aise, cela était évident, mais, d’un autre côté, son amour-propre souffrait, et l’on pouvait prévoir que, le cas échéant, l’orgueil blessé ferait un effronté de ce timide. Conscient de sa gaucherie, il osait à peine bouger. Comme tout le monde l’a remarqué, la principale souffrance des messieurs de ce genre, quand par grand hasard ils apparaissent dans un salon, c’est de ne savoir que faire de leurs mains. Le capitaine, tenant dans les siennes son chapeau et ses gants, restait les yeux fixés sur le visage sévère de Barbara Pétrovna. Il aurait peut-être voulu regarder plus attentivement autour de lui, mais il ne pouvait encore s’y résoudre. Marie Timoféievna partit d’un nouvel éclat de rire, trouvant sans doute fort ridicule la contenance embarrassée de son frère. Celui-ci ne remua pas. Barbara Pétrovna eut l’inhumanité de le laisser ainsi sur les épines pendant toute une minute.
— D’abord, permettez-moi d’apprendre de vous-même