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en silence et l’écoutait avec étonnement. Sur ces entrefaites, une porte latérale s’ouvrit sans bruit, et Daria Pavlovna fit son apparition. Elle s’arrêta un instant sur le seuil pour promener ses yeux autour d’elle ; notre agitation la frappa. Il est probable qu’elle ne remarqua pas tout de suite Marie Timoféievna, dont personne ne lui avait annoncé la présence. Stépan Trophimovitch aperçut le premier la jeune fille ; il fit un mouvement brusque et s’écria en rougissant : « Daria Pavlovna ! » À ces mots, tous les regards se portèrent vers la nouvelle venue.

— Comment, ainsi c’est là votre Daria Pavlovna ! s’exclama Marie Timoféievna ; — eh bien, matouchka, ta sœur ne te ressemble pas ! Comment donc mon laquais peut-il dire : « la serve, la fille de Dachka », en parlant de cette charmante personne !

Daria Pavlovna s’était déjà rapprochée de Barbara Pétrovna, mais l’exclamation de mademoiselle Lébiadkine lui fit brusquement retourner la tête, et elle resta debout devant sa chaise, les yeux attachés sur la folle.

— Assieds-toi, Dacha, dit Barbara Pétrovna avec un calme effrayant ; plus près, là, c’est bien ; tu peux voir cette femme, tout en étant assise. Tu la connais ?

— Je ne l’ai jamais vue, répondit tranquillement Dacha, et, après un silence, elle ajouta : — C’est sans doute la sœur malade d’un M. Lébiadkine.

— Moi aussi, mon âme, je vous voie aujourd’hui pour la première fois, mais depuis longtemps déjà je désirais faire votre connaissance, parce que chacun de vos geste témoigne de votre éducation, fit avec élan Marie Timoféievna. — Quant aux criailleries de mon laquais, est-il possible, en vérité, que vous lui ayez pris de l’argent, vous si bien élevée et si gentille ? Car vous êtes gentille, gentille, gentille, je vous le dis sincèrement ! acheva-t-elle enthousiasmée.

— Comprends-tu quelque chose ? demanda avec une dignité hautaine Barbara Pétrovna.

— Je comprends tout…