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— Dites aussi à maman de venir me chercher dans un instant chez ma tante ; maman voulait absolument venir, elle me l’a dit elle- même tantôt, j’ai oublié de vous en parler, poursuivit précipitamment Lisa, — pardon, ne vous fâchez pas, Julie… chère cousine… tante, je suis à vous !

— Si vous ne m’emmenez pas, tante, je courrai derrière votre voiture en criant tout le temps, murmura-t-elle avec un accent désespéré à l’oreille de Barbara Pétrovna. Ce fut encore heureux que personne ne l’entendît. Barbara Pétrovna recula d’un pas. Après un regard pénétrant jeté sur la folle jeune fille, elle se décida à emmener Lisa.

— Il faut mettre fin à cela, laissa-t-elle échapper. — Bien, je te prendrai volontiers avec moi, Lisa, ajouta-t-elle à haute voix, — naturellement, si Julie Mikhaïlovna le permet, acheva-t-elle se tournant d’un air plein de dignité vers la gouvernante.

— Oh ! sans doute, je ne veux pas la priver de ce plaisir, d’autant plus que moi-même… répondit très aimablement celle-ci, — moi-même… je sais bien quelle petite tête fantasque et volontaire nous avons sur nos épaules (Julie Mikhaïlovna prononça ces mots avec un charmant sourire)…

— Je vous suis on ne peut plus reconnaissante, dit Barbara Pétrovna en s’inclinant avec une politesse de grande dame.

— Cela m’est d’autant plus agréable, balbutia Julie Mikhaïlovna sous l’influence d’une sorte de transport joyeux qui faisait même monter le rouge à ses joues, — qu’en dehors du plaisir d’aller chez vous, Lisa est en ce moment entraînée par un sentiment si beau, si élevé, puis-je dire… la pitié… (elle montra des yeux la « malheureuse »)… et… et sur le parvis même du temple…

— Cette manière de voir vous fait honneur, approuva majestueusement Barbara Pétrovna. La gouvernante tendit sa main avec élan. La générale Stavroguine ne se montra pas moins empressée à lui donner la sienne. L’impression produite fut excellente, plusieurs des assistants rayonnaient de