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— Il se donne pour capitaine, c’est un homme inconsidéré, on peut le dire. Cette femme est certainement sa sœur ; il faut croire qu’elle a réussi à tromper sa surveillance, reprit Nikon Séménitch en baissant la voix, et il adressa à Barbara Pétrovna un regard qui complétait sa pensée.

— Je vous comprends ; merci, Nikon Séménitch. Ma chère, vous êtes madame Lébiadkine ?

— Non, je ne suis pas madame Lébiadkine.

— Alors, c’est peut-être votre frère qui s’appelle Lébiadkine ?

— Oui.

— Voici ce que je vais faire, je vais vous ramener chez moi, ma chère, et ensuite ma voiture vous remettra à votre domicile ; vous voulez bien venir avec moi ?

— Oh ! oui, acquiesça Marie Timoféievna en frappant ses mains l’une contre l’autre.

— Tante, tante ! Ramenez-moi aussi avec vous ! cria Élisabeth Nikolaïevna.

Elle avait accompagné la gouvernante à la messe, tandis que sa mère, sur l’ordre du médecin, faisait une promenade en voiture et avait pris avec elle, pour se distraire, Maurice Nikolaïévitch. Lisa quitta brusquement Julie Mikhaïlovna et courut à Barbara Pétrovna.

— Ma chère, tu sais que je suis toujours bien aise de t’avoir, mais que dira ta mère ? observa avec dignité la générale Stavroguine, qui toutefois se troubla soudain en voyant l’extrême agitation de Lisa.

— Tante, tante, il faut absolument que j’aille avec vous, supplia la jeune fille en embrassant Barbara Pétrovna.

— Mais qu’avez-vous donc, Lise ? demanda en français la gouvernante étonnée.

Lisa revint rapidement auprès d’elle.

— Ah ! pardonnez-moi, chère cousine, je vais chez ma tante.

Ce disant, Élisabeth Nikolaïevna embrassa par deux fois sa « chère cousine », désagréablement surprise.