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— Non, c’est un malin, même en état d’ivresse il sait se taire, observa Chatoff en s’éloignant de la porte.

— Qu’est-ce qu’il y a donc ? demandai-je.

Chatoff fit un geste d’impatience ; il ouvrit la porte, se mit à écouter sur le palier et descendit même quelques marches tout doucement ; après avoir longtemps prêté l’oreille, il finit par rentrer.

— On n’entend rien, il a laissé sa sœur tranquille ; à peine arrivé chez lui, il sera sans doute tombé comme une masse sur le plancher, et, maintenant, il dort. Vous pouvez vous en aller.

— Écoutez, Chatoff, que dois-je à présent conclure de tout cela ?

— Eh ! concluez ce que vous voudrez ! me répondit-il d’une voix qui exprimait la lassitude et l’ennui, ensuite il s’assit devant son bureau.

Je me retirai. Dans mon esprit se fortifiait de plus en plus une idée invraisemblable. Je songeais avec inquiétude à la journée du lendemain…

VII

Cette journée du lendemain, — c’est-à-dire ce même dimanche où le sort de Stépan Trophimovitch devait être irrévocablement décidé, - — est une des plus importantes que j’aie à mentionner dans ma chronique. Ce fut une journée pleine d’imprévu, qui dissipa les ténèbres sur plusieurs points et les épaissit sur d’autres, qui dénoua certaines complications et en fit naître de nouvelles. Dans la matinée, le lecteur le sait déjà, j’étais tenu d’accompagner mon ami chez Barbara Pétrovna, qui, elle-même, avait exigé ma présence, et, à trois heures de l’après-midi, je devais être chez Élisabeth Nikolaïevna pour lui raconter — je ne savais quoi, e