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Il était resté sur le seuil, fort embarrassé de sa personne. Elle le remercia d’être venu, puis le présenta à sa mère.

— C’est M. Chatoff, dont je vous ai parlé, et voici M. G…ff, un grand ami à moi et à Stépan Trophimovitch. Maurice Nikolaïévitch a aussi fait sa connaissance hier.

— Lequel est professeur ?

— Mais ni l’un ni l’autre, maman.

— Si fait, tu m’as dit toi-même qu’il viendrait un professeur ; ce doit être celui-ci, fit Prascovie Ivanovna et montrant Chatoff avec un air de mépris.

— Je ne vous ai jamais annoncé la visite d’un professeur. M. G…ff est au service, et M. Chatoff est un ancien étudiant.

— Étudiant, professeur, c’est toujours de l’Université. Il faut que tu aies bien envie de me contredire pour chicaner là-dessus. Mais celui que nous avons vu en Suisse avait des moustaches et une barbiche.

— Maman veut parler du fils de Stépan Trophimovitch, elle lui donne toujours le nom de professeur, dit Lisa qui emmena Chatoff à l’autre bout de la salle et l’invita à s’asseoir sur un divan.

— Quand ses pieds enflent, elle est toujours ainsi, vous comprenez, elle est malade, ajouta à voix basse la jeune fille en continuant à observer avec une extrême curiosité le visiteur, dont l’épi de cheveux attirait surtout son attention.

— Vous êtes militaire ? me demanda la vieille dame avec qui Lisa avait eu la cruauté de me laisser en tête-à-tête.

— Non, je sers…

— M. G…ff est un grand ami de Stépan Trophimovitch, se hâta de lui expliquer sa fille.

— Vous servez chez Stépan Trophimovitch ? Mais il est aussi professeur ?

— Ah ! maman, vous n’avez que des professeurs dans l’esprit, je suis sûre que vous en voyez même en rêve, cria Lisa impatientée.

— C’est bien assez d’en voir quand on est éveil