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ple capitaine, mais un propriétaire de notre province, et même un propriétaire assez important, attendu que dernièrement, Nicolas Vsévolodovitch lui a vendu tout son bien évalué, suivant l’ancienne estimation, à deux cents âmes. Dieu est témoin que je ne vous mens pas ! J’ai eu tout à l’heure seulement connaissance du fait, mais je le tiens de très bonne source. Maintenant à vous de découvrir le reste, je n’ajoute plus un mot ; au revoir !

X

Stépan Trophimovitch m’attendait avec une impatience extraordinaire. Il était de retour depuis une heure. Je le trouvai comme en état d’ivresse ; du moins pendant les cinq premières minutes je le crus ivre. Hélas ! sa visite aux dames Drozdoff l’avait mis sens dessus dessous.

— Mon ami, j’ai complètement perdu le fil… J’aime Lisa et je continue à vénérer cet ange comme autrefois ; mais il me semble qu’elle et sa mère désiraient me voir uniquement pour me faire parler, c’est-à-dire pour m’extirper des renseignements ; je pense qu’elles n’avaient pas d’autre but en m’invitant à aller chez elles… C’est ainsi.

— Comment n’êtes-vous pas honteux de dire cela ? répliquai-je violemment.

— Mon ami, je suis maintenant tout seul. Enfin, c’est ridicule. Figurez-vous qu’il y a là tout un monde de mystères. Ce qu’elles m’ont questionné à propos de ces nez, de ces oreilles et de divers incidents obscurs survenus à Pétersbourg ! Elles n’ont appris que depuis leur arrivée dans notre ville les farces que Nicolas a faites chez nous il y a quatre ans : « Vous étiez ici, vous l’avez vu, est-il vrai qu’il soit fou ? » Je ne comprends pas d’où cette idée leur est venue. Pourquoi Prascovie Ivanovna veut-elle absolument que Nicolas soit fou ? C’est qu’elle y tient, cette femme, elle y tient ! Ce Maurice