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ôle, vraiment ! interrompit-elle avec impatience. Je vous demande quelle espèce d’homme c’est.

— C’est un songe-creux d’ici. C’est le meilleur et le plus irascible des hommes.

— J’ai moi-même entendu parler de lui comme d’un type un peu étrange. Du reste, il ne s’agit pas de cela. Il sait, m’a-t-on dit, trois langues, notamment l’anglais, et il peut s’occuper d’un travail littéraire. En ce cas, j’aurai beaucoup de besogne pour lui ; il me faut un collaborateur, et plus tôt je l’aurai, mieux cela vaudra. Acceptera-t-il ce travail ? On me l’a recommandé…

— Oh ! certainement, et vous ferez une bonne action…

— Ce n’est nullement pour faire une bonne action, c’est parce que j’ai besoin de quelqu’un.

— Je connais assez bien Chatoff, et, si vous avez quelque chose à lui faire dire, je vais me rendre chez lui à l’instant même, proposai-je.

— Dites-lui de venir chez nous demain à midi. Voilà qui est parfait ! Je vous remercie. Maurice Nikolaïévitch, vous êtes prêt ?

Ils sortirent. Naturellement, je n’eus rien de plus pressé que de courir chez Chatoff. Stépan Trophimovitch s’élança à ma suite et me rejoignit sur le perron.

— Mon ami, me dit-il, — ne manquez pas de passer chez moi à dix heures ou à onze, quand je serai rentré. Oh ! j’ai trop de torts envers vous et… envers tous, envers tous.

VIII

Je ne trouvai pas Chatoff chez lui ; je revins deux heures après et ne fus pas plus heureux. Enfin, vers huit heures, je fis une dernière tentative, décidé, si je ne le rencontrais pas, à lui