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douleur. Des larmes coulaient sur ses joues ridées. Mitia s’avança vivement vers lui.

— Permettez-moi, messieurs, oh ! permettez ! Vous êtes un ange, Mikhaël Makarovitch, un ange ! Merci pour elle ! Je suis calme, je suis même heureux. Ayez la bonté de le lui dire. Je vais même rire si vous voulez ! Nous allons en finir tout de suite et, aussitôt libre, j’irai chez elle. Qu’elle m’attende. Maintenant, messieurs, je vais vous ouvrir mon cœur afin que nous terminions tout cela joyeusement. Nous finirons par rire ensemble. Mais, messieurs, cette femme, c’est la reine de mon âme, souffrez que je vous le dise… Je vois que j’ai affaire à de nobles cœurs. Elle est la lumière, la pureté de ma vie. Oh ! si vous saviez !… Avez-vous entendu ces cris : « Je te suivrai jusqu’à l’échafaud ! » Que lui ai-je donné, moi qui n’ai rien ? Pourquoi m’aime-t-elle ? Est-ce que je mérite qu’elle m’aime ? Je suis un être ignoble, éhonté… Un tel amour !… Pardonnez-moi tout ce que je vous dis là… Maintenant je suis consolé !…

Des larmes de joie jaillirent de ses yeux. Le vieil ispravnik souriait. Les juges mêmes sentaient que l’instruction entrait dans une phase nouvelle.

Quand l’ispravnik fut parti, Mitia s’écria :

— Eh bien, messieurs, je suis à vous maintenant.

L’interrogatoire recommença.