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képi d’uniforme, c’est l’ispravnik[1] Mikhaël Makarovitch, et celui-ci, « le patrinani » ; le dandy toujours chaussé de bottes bien cirées, c’est le substitut du procureur. « Il possède un chronomètre de quatre cents roubles, il me l’a montré, dans le temps… » et celui-là, petit, jeune, avec des lunettes ? Mitia ne se rappelait pas le nom, mais reconnaissait la figure, une figure qu’il avait vue, naguère, chez le juge d’instruction : « c’est une récente recrue de l’école de droit. » Et cet autre, c’est le stanovoï[2] Mavriky Mavrikitch. Mitia le connaît très-bien. Et ceux-là, avec leurs plaques en cuivre, que font-ils ici ? Et des moujiks ! Et au fond, près de la porte, Kalganov et Trifon Borissitch…

— Messieurs… Qu’y a-t-il donc, messieurs ? dit d’abord Mitia. Mais tout à coup, il s’écria à pleine voix :

— Je-com-prends !

Le jeune homme aux lunettes s’approcha de Mitia et commença, d’un air important, mais avec précipitation :

— Nous avons à vous… En un mot, je vous prie de vous asseoir ici, sur le divan… Il faut nous expliquer avec vous.

— Le vieillard ! s’écria Mitia hors de lui, le vieillard sanglant ! Je-com-prends !

Il tomba sur le siège qu’on lui indiquait.

— Tu comprends ? tu as compris ? Parricide ! misérable ! Le sang de ton vieux père crie contre toi ! hurla tout à coup le vieil ispravnik en s’approchant de Mitia.

Il était tout rouge et tremblait de colère.

— Mais c’est intolérable ! s’écria le petit jeune homme. Mikhaël Makarovitch ! Mikhaël Makarovitch ! Mais ce n’est pas

  1. Chef de police rurale.
  2. Commissaire de la police rurale.