Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous m’offensez extrêmement ! dit le petit pane, rouge comme une écrevisse.

Et il sortit de la chambre avec Vroublevsky. Mitia les suivit, tout confus. Il craignait Grouschegnka, pressentant que le pane allait tout lui raconter. C’est ce qui arriva. Le pane prit une attitude théâtrale et dit en polonais :

— Panie Agrippina, nous sommes extrêmement offensés !

Mais Grouschegnka était à bout de patience.

— Parle russe ! pas un mot de plus en polonais ! Tu savais parler russe, autrefois ! Tu l’as oublié ?

— Panie Agrippina…

— Je m’appelle Agrafeana ! Je suis Grouschegnka ! Parle russe, si tu veux que je t’écoute.

Le pane se mit à parler russe, avec un très-mauvais accent et dans un style boursouflé.

— Panie Agrafeana, je suis venu pour jeter un voile sur le passé et le pardonner, oublier tout jusqu’à ce jour…

— Comment pardonner ? C’est à moi que tu parles de pardon ? interrompit Grouschegnka.

Et elle se leva.

— Parfaitement, panie. J’ai de l’amour-propre, mais je suis généreux. Seulement, tes amants m’étonnent. Le pane Mitia vient de m’offrir trois mille roubles pour que je m’en aille. Je lui ai craché au visage.

— Comment ! il t’offrait de l’argent pour moi ? Est-ce vrai, Mitia ? Suis-je donc à vendre ?

— Pane ! pane ! fit Mitia. Elle est pure, je n’ai jamais été son amant ! Tu en as menti !

— Comment oses-tu prendre ma défense devant lui ? Ce n’est pas par vertu que je suis restée pure, ni par