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roubles pour boire suffiraient, je n’en veux pas plus ; Trifon Borrissitch en sera témoin. Pardonnez-moi ma bêtise.

— De quoi as-tu peur ? Va-t’en au diable, alors !

Et il lui jeta cinq roubles.

— Maintenant, Trifon Borrissitch, conduis-moi tout doucement dans un endroit d’où je puisse voir sans être vu.

Trifon Borrissitch hésita, puis, lui montrant le chemin, l’introduisit dans un vestibule et le conduisit dans une chambre contiguë à la salle se trouvaient Agrafeana Alexandrovna et ses amis. L’hôtelier éteignit sa lumière et posta Dmitri dans un coin obscur d’où il pouvait aisément voir ce qui se passait dans la salle voisine. Mais Mitia ne regarda pas longtemps. Aussitôt qu’il eût aperçu Grouschegnka, son cœur se mit à battre, sa vue se troubla. Elle était dans un fauteuil, près de la table. À côté d’elle, sur un divan, le jeune et joli Kalganov : elle lui tenait la main et riait, tandis que lui, sans la regarder, parlait avec dépit à Maximov, qui était assis en face de Grouschegnka et qui riait aussi. Sur le divan, lui ! Auprès de lui, sur une chaise, un inconnu. Celui qui se trouvait sur le divan fumait la pipe ; c’était un homme obèse, au visage large, de petite taille, l’air bourru. En revanche, son compagnon était d’une taille exagérée…

Mitia ne pouvait plus rien distinguer, la respiration lui manquait. Il ne resta pas plus d’une minute, déposa ses pistolets sur la commode et, le cœur serré, il entra dans la salle.

— Aïe ! fit Grouschegnka, pâle de peur.