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du violon. On peut les envoyer chercher, ils viendront.

— Envoie, absolument, envoie-les chercher ! Et les babas ? peut-on les faire lever, Maria, Stépanide et Arina ? Deux cents roubles pour les chœurs !

— Mais pour tant d’argent vous aurez tout le village ! et puis, est-ce la peine ? Nos moujiks et nos babas méritent-ils cette magnificence ? Tu leur donnais des cigarettes, l’autre jour… Nos babas ont des poux ! Je vais plutôt t’envoyer mes filles, mais pour rien. Elles sont couchées, je les réveillerai à coups de pied et elles chanteront en ton honneur. Vous n’allez pas recommencer à donner du Champagne aux moujiks, hein ?

— Trifon Borrissitch, j’ai dépensé près de mille roubles ici l’autre jour.

— Certes, mon petit père, vous les avez dépensés, et bien plus, près de trois mille peut-être.

— Eh bien ! j’arrive avec autant cette fois. Vois-tu ?

Et il fit passer sous le nez du patron sa liasse de billets de banque.

— Écoute donc et tâche de comprendre. Dans une heure, on apportera des provisions et du vin, il faudra porter le tout en haut ; ouvre, et prends tout de suite le panier qui est dans la voiture. Surtout, amène-moi des babas ! D’abord Maria !…

Il se retourna vers la voiture et y prit sa boîte de pistolets.

— Ton compte, Andrey ! Voilà quinze roubles pour ta course et cinquante pour boire, pour te payer de ta complaisance… Rappelle-toi le barine Karamazov.

— J’ai peur, barine… dit Andrey avec hésitation, cinq