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À travers les grises ténèbres de la nuit se dressait une masse compacte et noire de maisons.

Le village de Mokroïe avait deux mille âmes. À cette heure tout dormait, de rares lumières perçaient l’ombre.

— Fouette, fouette, fouette ! Andrey. C’est moi qui arrive ! criait Mitia dans le délire.

— On ne dort pas, dit Andrey en désignant à l’entrée du village l’auberge de Plastonnok dont les six fenêtres étaient éclairées.

— On ne dort pas ? Fais du bruit, Andrey ! Va au galop, fait tinter la sonnette, que tout le monde sache que c’est moi qui arrive, moi ! moi !

Andrey mit au galop sa troïka fatiguée et s’arrêta bruyamment au pied du perron. Mitia sauta de la voiture. Juste à cet instant, le patron de l’auberge parut sur le perron.

— C’est toi, Trifon Borrissitch ? demanda Mitia.

Le patron se pencha, regarda un instant, puis descendit vivement et parlant avec obséquiosité :

— Mon petit père Dmitri Fédorovitch, dit-il, est-ce vous ?

Ce Trifon Borrissitch, quoique déjà riche, ne perdait jamais une occasion de profit : il n’avait pas oublié qu’un mois auparavant il avait en un jour gagné avec Dmitri Fédorovitch plus de deux mille roubles, il salua donc son hôte joyeusement, flairant, aux allures de Mitia, un nouveau butin.

— Halte, Trifon Borrissitch ! D’abord, où est-elle ?

— Agrafeana Alexandrovna ? Mais elle est ici…

— Avec qui ? avec qui ?