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— Je vous jure que je répéterai tout cela, je vous empêcherai de partir… Qu’allez-vous faire à Mokroïe ?

— Une femme est là, une femme… En voilà assez pour toi, Petre Iliitch, chabach[1] !

— Écoutez, vous êtes sauvage, étrange, pourtant vous m’avez toujours plu… Eh bien, vous m’inquiétez !

— Merci, frère. Je suis sauvage, dis-tu ? Sauvage, sauvage ! Oui. Je ne cesse de me le répéter : un sauvage, je ne suis qu’un sauvage !… Tiens, voilà Micha ! je l’avais déjà oublié.

Micha entra, tout essoufflé, avec une liasse de menus billets.

— Tout va bien chez les Plotnikov, dit-il.

Mitia prit un billet de dix roubles qu’il donna à Petre Iliitch et en jeta un autre à Micha.

— Je vous le défends ! s’écria Petre Iliitch, pas chez moi ! Cela gâte les domestiques ! Reprenez votre argent ! Pourquoi le gaspiller ainsi ? Demain vous reviendrez me demander dix roubles ! Et pourquoi le mettez-vous toujours dans cette poche ? Vous allez le perdre.

— Écoute, mon ami : viens avec moi à Mokroïe.

— Moi ? Qu’y ferais-je ?

— Viens-tu d’abord boire avec moi une bouteille ? Buvons à la vie ! J’ai soif. Je voudrais boire avec toi : nous n’avons jamais bu ensemble, n’est-ce pas ?

— Soit. Allons au traktir.

— Pas le temps… dans la boutique des Plotnikov… Tiens, voici une énigme.

  1. Motus.