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— Pour rien, par curiosité. Toi, si tu pensais à te la loger dans la tête, regarderais-tu la balle avant de la mettre dans ton pistolet ?

— Pourquoi la regarder ?

— Eh bien, je vais lui donner l’hospitalité dans mon crâne, alors j’aime à savoir comment elle est faite… Mais sottises, tout cela ! Voilà une affaire bâclée… Mon cher Petre Iliitch, si tu savais comme tout cela est sot ! Donne-moi un morceau de papier.

— Voici.

— Non, du propre, où l’on puisse écrire. C’est cela.

Mitia saisit une plume et griffonna vivement deux lignes ; puis il plia le papier en quatre et le mit dans la poche de son gilet. Il replaça le pistolet dans la boîte, qu’il ferma à clef et glissa sous son bras. Puis il regarda Petre Iliitch et lui sourit d’un air absorbé.

— Allons, maintenant ! dit-il.

— Où ? Non, attendez… Vous voulez donc vous loger cette balle dans la cervelle ?

— Cette balle ? Sottises ! Je veux vivre ! J’aime la vie, sache-le ! J’aime Phébus aux cheveux d’or et ses rayons réchauffants… Cher Petre Iliitch, est-ce que tu saurais, toi, t’écarter du chemin des autres ?

— Comment cela ?

— Laisser libre le chemin à l’être que tu adores et à celui que tu hais… chérir même celui que tu haïssais… et leur dire : « Que Dieu vous garde ! Allez, passez, et moi… »

— Et vous ?

— Assez ! Partons.