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commettait par là même le crime justement d’Alioscha, etc. Bondarev se rendit à ces bonnes raisons. D’ailleurs Guerassim Mikhaïlovitch avait personnellement un très-profond mépris pour Alioscha, cet imbécile qui ouvrait une porte à un autre pour s’enfermer lui-même quand il aurait si bien pu rester libre ! « Quel sot ! » pensait Jekhlov.

Alioscha fut donc, comme nous l’avons dit, ramené à la ville. Le procès ne fut pas long, mais il eut une issue si extraordinaire que, j’en suis sur, nul de ceux qui ont assisté à la scène finale de cet étrange drame n’ont du l’oublier.

Katherina Ivanovna, qui avait compris le motif réel de l’étrange dévouement d’Alioscha, de ce dévouement exagéré, mystique, craignait que le jeune homme, dans ce même esprit de mysticisme et d’exagération, se laissât condamner sans chercher à se sauver. Elle le supplia donc de lui permettre d’appeler un avocat célèbre, non pas celui qui avait défendu Mitia, un autre, « meilleur encore, un mystique comme vous, qui vous comprendra… »

— Non, Katherina Ivanovna, n’appelez personne et rassurez-vous.

— Mais je vous en supplie ! À quoi bon vous perdre si vainement ? Laissez-vous défendre !… On comprendra si bien !… c’est si beau !… Dieu, que je vous admire ! quel homme vous êtes, Alexey ! Oh ! un homme très-précieux, très-utile à tous ceux qui vous approchent ! Quel bien vous ferez quand votre influence aura un champ plus vaste ! Mais c’est pour cela même qu’il ne faut pas vous perdre misérablement, sans profit pour personne…

— Sœur, je ne sais si vous me comprenez bien. Il y a