déguisé en moujik… Vite, frère, ne perdons point de temps. Va, et que le Christ soit avec toi !… Grouschka t’attend, répéta-t-il en voyant Mitia hésiter encore.
— Mais pourquoi ne sortons-nous pas ensemble ?
— Je suis entré seul, nous éveillerions l’attention. Va, frère, ne fais pas attendre davantage Grouschka. Partez tout de suite et ne soyez pas inquiets à mon sujet ; je partirai moi-même aussitôt que Guerassim Mikhaïlovitch sera rentré : c’est convenu entre nous, dit Alioscha en se détournant pour cacher sa rougeur.
— Bien, dit Mitia, c’est un honnête homme dans son genre ; si tu as sa parole, il ne te trompera pas.
— Adieu donc, frère…
Mitia s’arrêta un instant encore à considérer le visage de son frère. Il disait plus tard que, jamais jusqu’alors et jamais depuis, il n’avait vu tant de beauté sur une figure d’homme ; Alioscha avait un sourire vraiment divin ! Dévouement, résignation, mépris de la souffrance, enthousiasme froidement et consciemment exalté, ce sourire disait tout cela. Mais enfin Mitia se ressouvint de Grouschegnka et de cette liberté précieuse qu’un instant de retard pouvait compromettre ; il sortit de la pièce, descendit en étouffant le bruit de ses pas, et Alioscha comprit, plutôt qu’il n’entendit, que son frère venait de fermer la porte extérieure.
Alioscha tomba à genoux et pria longtemps, silencieusement. On n’entendait dans la pièce que les ronflements sonores de l’ivrogne endormi. Enfin, Alioscha se releva. Il rayonnait d’une joie surnaturelle. Il se défît sans hâte de ses habits, prit ceux que Mitia venait de quitter, assu-