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les petits tonneaux et vous feriez mettre au fer l’ami, n’estce pas ?

— Hi ! hi ! hi ! hi !

Le sous-officier se tordait littéralement de rire.

— Moujik de mon cœur, criait-il entre deux hoquets, tu parles d’or, je veux absolument t’embrasser.

Il se leva en chancelant et fit le tour de la table pour rejoindre Alioscha, assis en face de lui.

Alioscha esquiva l’embrassade de l’ivrogne en lui tendant un verre plein.

— Parbleu ! tu as raison, dit Bondarev en brandissant le verre dont il répandit un bon tiers sur son uniforme. Hourra, pour la petite mère Russie, les galons et la vodka ! Qui est-ce qui va m’offrir des petits tonneaux pour laisser échapper mes prisonniers ? C’est toi ? cria-t-il au moujik. Donne-les vite que je te fasse mettre aux fers… C’est lui qui l’a dit, s’écria-t-il en désignant Alioscha, avec de grands éclats de rire.

Il vida encore son verre et tomba assis. Il était complètement ivre. Affalé contre la table, les yeux mornes, les lèvres crispées par un sourire idiot, tout en lui révélait l’hébétude alcoolique. Alioscha remplit de nouveau les trois verres, constata avec satisfaction que son compagnon, le vrai moujik, commençait aussi à être touché par l’ivresse, posa une bouteille pleine sur la table, en cacha deux autres dans les profondes poches de son cafetan et, sortant de l’izba, se dirigea vers la station des troïkas. À une centaine de pas de la station était resté le groupe de babas, au milieu d’elles Grouschegnka. En passant, Alioscha lui fit signe de se rapprocher de la station.