loi du devoir. Peut-être cette nécessité de tendre toujours plus haut sera-t-elle plus efficace à te régénérer que toutes les souffrances du bagne, car tu les supporterais mal, et peut-être, ayant tant souffert, t’estimerais-tu « quitte ». Ton avocat a dit vrai à ce propos : il n’est pas donné à tous de porter de lourds fardeaux, il y a des hommes qui succombent… Voilà mon opinion, si elle t’est si nécessaire. Si d’autres avaient à répondre pour toi, si des officiers, des soldats devaient être compromis par ton évasion, « je ne te permettrais pas de t’évader », dit Alioscha en souriant. Mais on dit, on assure — et c’est le chef de l’étape qui parlait ainsi à Ivan — qu’avec adresse on peut faire cela sans danger pour personne. Certes, il est malhonnête de corrompre les consciences, même dans ce cas, mais ici je ne suis plus juge, car, si Ivan et Katia m’avaient confié la direction de l’affaire, je sais que je n’aurais pas hésité à employer la corruption, je dois te le dire en mon âme et conscience… Je crois avoir prévu toutes tes objections.
— En revanche, c’est moi qui ne me le pardonnerai pas ! s’écria Mitia. Je m’évaderai, c’était déjà décidé : est-ce que Mitia Karamazov peut ne pas fuir ? Mais je ne me le pardonnerai pas et je consacrerai toute ma vie à expier cette faute. N’est-ce pas ainsi que parlent les Jésuites ? Voilà ce que nous sommes, toi et moi, mon frère, des Jésuites !
— En effet, dit Alioscha gaiement.
— Je t’aime ! tu dis toujours la vérité pure, sans rien dissimuler ! Donc, j’ai pris Alioscha en flagrant délit de jésuitisme ! Je voudrais t’embrasser des pieds à la tête pour cela !… Mais je vais achever de te faire mes confidences.