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une part pour pouvoir enlever la femme qu’il aimait ? Mais le temps passe, Fédor Pavlovitch ne donne pas à l’accusé l’argent qu’il lui doit, et l’accusé songe : « Si mon père ne me donne pas cet argent, je suis un voleur aux yeux de Katherina Ivanovna ! » Et c’est un motif de plus pour garder l’argent : « Je suis un misérable, mais je ne suis pas un voleur. » Pourquoi refuser à l’assassin ces sentiments d’honneur ? L’honneur est évident en lui, mal compris, peut-être, mais évident, poussé jusqu’à la passion, il l’a prouvé. Quant à la lettre que madame Verkhovtseva vous a montrée et où l’accusation veut voir tout un programme d’assassinat, elle a été écrite en état d’ivresse, et ne signifie rien ; qui nous prouvera que l’intention réelle de Karamazov fût de s’emparer du paquet de billets de roubles, qu’il voulait aller chez son père ? Ne savons-nous pas qu’il était exaspéré et guidé par la jalousie ?

IX

« N’oubliez pas, messieurs les jurés, qu’il s’agit de la vie d’un homme, soyez prudents. Jusqu’ici l’accusation mettait encore en doute la préméditation : sa conviction ne date que de cette lettre… Le procureur vous a fait remarquer que tout est arrivé comme l’accusé l’avait décrit d’avance dans cette lettre. Mais veuillez observer qu’il n’est venu chez son père que pour voir si madame Svietlova était chez lui. S’il l’avait rencontrée chez elle, rien