fût-ce dans un mois. Pouvait-il ne pas comprendre que c’était lui dire : « Il te faut de l’argent pour me trahir ? En voici, c’est moi qui te le donne : prends, si tu en as le cœur ! » Je voulais lui faire honte, mais il l’a pris, cet argent, il l’a emporté et l’a dépensé en une nuit ! Il avait pourtant compris que je savais tout, je vous assure ! Il avait compris que c’était une épreuve !
— C’est vrai, Katia, s’écria Mitia. Je t’avais comprise, et j’ai pourtant pris ton argent. Méprisez tous un misérable, je l’ai mérité !
— Accusé, encore un mot, et je vous fais sortir de la salle ! dit sévèrement le président,
— Cet argent a été pour lui, dans la suite, une cause de tortures, reprit Katia avec précipitation. Il voulait me le rendre, mais il lui en fallait pour sa maîtresse. C’est pourquoi il a tué son père, mais il ne m’a rien rendu ; il a dépensé avec elle l’argent volé, dans le village où on l’a arrêté. Un jour avant l’assassinat, il m’a écrit cette lettre, étant ivre. J’avais deviné aussitôt qu’il l’avait écrite en état d’ivresse ; il pensait que je ne la montrerais à personne, même s’il accomplissait le crime : autrement, il ne me l’aurait pas écrite. Mais lisez, lisez attentivement, je vous prie ! Vous verrez qu’il décrit tout à l’avance : comment il tuera son père et où est caché l’argent. Remarquez surtout cette phrase : « Je tuerai dès qu’Ivan sera parti. »
Le président demanda à Mitia s’il reconnaissait cette lettre.
— Oui, oui ! et je ne l’aurais pas écrite si je n’avais pas été ivre… Nous nous haïssons pour beaucoup de causes,