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Mitia. C’est lui qui a tué son père ! Il m’a écrit comment il le tuerait ! L’autre est malade… il a la fièvre chaude, depuis trois jours…

L’huissier prit le papier et le tendit au président. Katherina Ivanovna retomba sur sa chaise et, cachant son visage entre ses mains, elle sanglota sans bruit, étouffant ses moindres gémissements, de crainte qu’on la fît sortir.

Cette lettre était celle que Mitia lui avait écrite et que Ivan avait considérée comme une « preuve matérielle ». Elle parut telle aux juges. Sans cette lettre, Mitia n’eût peut-être pas été condamnée.

Le président demanda à Katherina Ivanovna si elle était remise.

— Je suis prête ! répondit-elle vivement, je suis prête ! Je suis tout à fait en état de vous répondre.

Sa plus grande crainte était qu’on ne l’écoutât pas. On la pria d’expliquer en détail dans quelles circonstances cette lettre avait été écrite.

— Je l’ai reçue la veille de l’assassinat. Il me haïssait au moment où il me l’écrivait, il m’abandonnait pour cette créature… Il me haïssait aussi parce qu’il me devait ces trois mille roubles. Voici la vérité là-dessus… Je vous conjure de m’écouter… Trois semaines avant de tuer son père, il était venu chez moi, un matin. Je savais qu’il avait besoin d’argent et dans quel but : c’était précisément pour séduire cette femme et l’emmener avec lui. Je savais déjà qu’il me trahissait, et pourtant je lui donnai cet argent sous prétexte de l’envoyer à Moscou par son entremise, et en le lui donnant je l’ai regardé en face et je lui ai dit qu’il pourrait l’envoyer quand bon lui semblerait,