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son frère, il s’est accusé… » Mais cela est faux, Alioscha, je ne veux pas de l’admiration des smerdes ! Je te jure qu’il mentait. Je lui ai pour cela jeté un verre qui lui a fracassé le museau !

— Frère, calme-toi, cesse…

— Non ! c’est un savant bourreau ! Et quelle cruauté ! Je sais bien pourquoi il vient ! « Soit, disait-il, tu iras par orgueil, mais tu garderas l’espoir qu’on envoie Smerdiakov au bagne, qu’on absolve Mitia et qu’on te condamne moralement seulement. » Mais Smerdiakov est mort ! Qui donc voudra consentir à me croire ? Je suis pourtant résolu à y aller, à dire… Mais pourquoi faire, maintenant ? C’est affreux, Alioscha !

— Frère !… Mais comment a-t-il pu te parler de la mort de Smerdiakov avant mon arrivée ? Personne encore ne savait cela…

— C’est lui qui me l’a dit, dit Ivan d’un ton péremptoire. « Mais sais-tu toi-même pourquoi tu y vas ? Tu n’en sais rien, et tu donnerais beaucoup pour le savoir. D’ailleurs, es-tu bien décidé à y aller ? Tu iras par lâcheté, parce que tu n’oseras pas ne pas y aller. Et pourquoi n’oseras-tu pas ? Devine toi-même !… » Là-dessus, tu es entré et il est parti. Il m’a traité de lâche. Smerdiakov aussi. Il faut les tuer. Katia me méprise, je le vois depuis un mois. Et toi aussi, tu me méprises, Alioscha ! Je te détesterai désormais ! Je hais aussi le fauve, l’autre : qu’il pourrisse au bagne ! J’irai demain leur cracher au visage à tous !

Ivan se leva avec violence, arracha la serviette et se mit à courir à travers la chambre. Alioscha n’osa le laisser seul pour aller chercher le médecin. Et peu à peu Ivan