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celle d’un chien danois, longue d’une arschine, couleur d’argile. Alioscha ! tu as froid, tu as reçu la neige, veux-tu du thé ? Tiens, il est froid ! on va faire bouillir le samovar… C’est à ne pas mettre un chien dehors

Alioscha courut à la table à toilette, mouilla la serviette, persuada Ivan de s’asseoir de nouveau et lui enveloppa la tête, puis il s’assit auprès de lui.

— J’ai peur, demain, de Katia. Je la crains plus que tout au monde dans l’avenir. Elle me trahira demain, elle me foulera aux pieds. Elle croit que je perds Mitia par jalousie, à cause d’elle, oui, elle croit cela ! Eh bien, non, demain… ce sera la croix et non pas le gibet. Non, je ne me pendrai pas. Sais-tu que je ne pourrais jamais me tuer, Alioscha ? Est-ce par lâcheté ? Non, je ne suis pas lâche. C’est par amour de la vie ! Comment savais-je que Smerdiakov s’était pendu ! Oui, c’est lui qui me l’a dit…

— Tu es bien sûr que quelqu’un est entré ici ? demanda Alioscha.

— Sur ce divan, dans le coin. Tu l’aurais mis à la porte… D’ailleurs, c’est toi qui l’as fait partir. J’aime ton visage, Alioscha. Le sais-tu ? Et lui, c’est moi, Alioscha, c’est moi-même. Tout ce qu’il y a en moi de vil, de bas, d’humiliant, c’est lui ! Oui, je suis un romantique, il l’a bien dit. Pourtant, quelle calomnie ! Il est terriblement bête, mais c’est là sa force. Il est rusé, bestialement rusé. Il sait très-bien me mettre hors de moi. Il m’irritait en me disant que je crois en lui ; c’est comme cela qu’il m’a forcé à l’écouter. Il m’a trompé comme un gamin. D’ailleurs, il m’a dit sur mon propre compte beaucoup de vérités, des choses que je ne me serais jamais dites. Sais-tu, Alioscha, sais-tu, ajouta