— Non ! cria Ivan. D’ailleurs je voudrais bien croire en toi.
— Hi ! hi ! voilà un aveu ! Mais je suis bon, je vais t’aider. C’est moi qui te tiens ! Je t’ai conté exprès ton anecdote pour que tu ne croies pas en moi.
— Tu mens ! Ton but évident est de me convaincre de ta réalité !
— Précisément, mais les hésitations et l’inquiétude, le duel entre la négation et l’affirmation constituent, pour un homme conscient comme toi, une telle souffrance qu’il y a de quoi se pendre. Je sais que tu crois en moi un peu, et c’est pour augmenter ton scepticisme que je t’ai fait ce conte. C’est ma nouvelle méthode. Quand tu seras convaincu que je ne suis pas réel, tu te mettras à m’assurer que j’existe vraiment, que je ne suis pas un rêve, et mon but sera atteint. Or, en lui-même, mon but est noble. Je vais semer en toi une légère semence de foi : il en naîtra tout un chêne, un si grand chêne qu’à son ombre tu rêveras de te faire ermite, car, au fond de toi-même, tu as le goût des solitudes sacrées où l’on se repaît de racines sauvages !
— Alors, misérable, c’est pour mon salut que tu fais tout cela ?
— Mais il faut bien faire, une fois, une bonne action ! Pourquoi t’irriter si fort ?
— Bouffon ! As-tu jamais tenté les solitaires qui passent dix-sept ans au désert et qui sont envahis par les mousses ?
— Mon petit pigeon, je n’ai jamais fait que cela. On néglige le monde entier pour une âme aussi précieuse que la tienne : une étoile comme toi fait oublier toutes les