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croire et non parce qu’il a vu le Christ ressuscité. Les spirites, par exemple… je les aime beaucoup… Imagine-toi qu’ils croient servir la religion parce que le diable leur fait les cornes du fond de l’autre monde, ce qui est une preuve matérielle de l’existence de l’autre monde ! Une preuve matérielle de l’existence de l’autre monde ! Comment trouves-tu cela ? Encore, cela ne démontrerait tout au plus que l’existence du diable, mais celle de Dieu ! Je vais me faire recevoir de la société idéaliste pour leur faire de l’opposition, hé ! hé !

— Écoute, dit Ivan Fédorovitch en se levant, il me semble que j’ai le délire, tu peux mentir tant que tu voudras, ça m’est égal. Je n’éprouve que de la honte… Je veux marcher dans la chambre… Parfois, je cesse de te voir, de t’entendre, mais je devine toujours ce que tu veux dire, car toi, c’est moi, — c’est moi qui parle et non pas toi. Je ne sais plus, la dernière fois, si je dormais ou si je te voyais réellement. Je vais me mettre sur le front une serviette mouillée d’eau froide ; peut-être vas-tu te dissiper.

Ivan alla prendre une serviette, la trempa dans l’eau, en banda son front, puis se mit à marcher de long en large dans la chambre.

— Il te plaît de me tutoyer ? dit l’hôte.

— Imbécile ! crois-tu que je puisse te dire : vous ? je suis de bonne humeur… Si seulement je n’avais pas mal à la tête… Mais pas tant de philosophie que la dernière fois, je t’en prie. Si tu ne peux pas t’en aller, au moins dis-moi des mensonges gais, des cancans, car, en qualité de pique-assiette, tu dois en savoir. Voilà un cauchemar persistant !