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À peine entré, il sentit toute sa joie s’évanouir. Une sensation de froid le prit au cœur. Un souvenir écrasant lui revint, il s’assit sur un divan. La vieille domestique apporta le samovar ; il fit du thé, mais ne le but pas et renvoya la domestique jusqu’au lendemain. Il était las, mal à l’aise. Tantôt il s’assoupissait, tantôt il se relevait, marchait à travers la chambre. Il lui semblait qu’il avait le délire. Tout à coup, il se mit à regarder autour de lui comme s’il cherchait quelque chose. Enfin, il fixa son regard sur un point. Il sourit, mais son visage s’empourpra de colère. Longtemps il resta immobile, accoudé, la tête dans les mains, et toujours regardant le même point de la chambre, du côté du divan.

VII

Je ne suis pas médecin, et pourtant je sens que le moment est venu de donner quelques explications sur la maladie d’Ivan Fédorovitch. Disons d’avance qu’il était à la veille d’un accès de fièvre chaude. Ignorant en médecine, je risque cette hypothèse qu’il avait peut-être pu, par un effort de volonté, ajourner la crise au delà des limites ordinaires. Il se savait malade, mais il ne voulait pas céder à la maladie en ce moment fatal où il devait être là, parler hardiment et « se justifier à ses propres yeux… » Pourtant il était allé voir le médecin que Katherina Ivanovna avait mandé de Moscou. Mais il avait fallu qu’elle