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— Oui, mon petit père, elle est venue, restée un instant et partie.

— Comment ? Partie ? Quand ?

— Elle n’est restée qu’un instant chez nous. Elle a fait un conte à Kouzma Kouzmitch, il a ri et elle est partie aussitôt.

— Tu mens, maudite ! cria Mitia.

— Aïe ! aïe ! fit la vieille.

Mitia avait déjà quitté la place ; il courait de toutes ses forces vers la maison où habitait Grouschegnka.

Elle était partie depuis un quart d’heure pour Mokroïe. Fénia et la cuisinière Matrona étaient dans la cuisine quand arriva « le capitaine ». En l’apercevant, Fénia se mit à crier de toutes ses forces.

— Tu cries ! fit Mitia. Où est-elle ?

Et sans attendre la réponse de Fénia, toute roide de terreur, il tomba aux pieds de la servante.

— Fénia ! au nom du Christ, dis-moi où elle est !

— Mon petit père, je n’en sais rien ! Mon bon barine, je n’en sais rien ! Tuez-moi, je ne sais rien ! Mais vous êtes sorti avec elle, vous-même...

— Elle est revenue...

— Non, mon bon barine, elle n’est pas revenue, je vous le jure par Dieu !

— Tu mens ! hurla Mitia, je le vois à ta frayeur, je devine où elle est...

Il sortit en courant.

Fénia, épouvantée, se félicitait d’en être quitte pour si peu. Mais elle se rendit fort bien compte que tout n’était peut-être pas fini.