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— Pourquoi chez moi ? J’attendais qu’il vînt à la maison ; j’étais sûr qu’il viendrait précisément cette nuit. Puisque je ne pouvais plus lui servir d’intermédiaire, j’étais sûr qu’il franchirait la clôture pour se renseigner par lui-même.

— Et s’il n’était pas venu ?

— Alors rien ne se serait passé.

— Dieu ! Dieu ! Parle sans te presser, n’oublie aucun détail.

— Je m’attendais donc qu’il viendrait tuer Fédor Pavlovitch, j’en étais sûr… car je l’avais bien préparé pour cela… durant les derniers jours.

— Arrête ! Mais s’il l’avait tué, il aurait pris aussi l’argent ; c’est ainsi que tu devais raisonner. Quel intérêt avais-tu donc à ce qu’il tuât ?

— Mais il n’aurait pas trouvé l’argent. C’est moi qui lui ai dit que l’argent était sous le matelas, ce n’était pas vrai. Comme Fédor Pavlovitch ne se fiait qu’à moi au monde, je lui avais conseillé de cacher son argent derrière les icônes, car personne n’aurait pensé à le chercher là, surtout dans un moment de hâte. Fédor Pavlovitch avait suivi mon conseil. Si donc Dmitri Fédorovitch avait assassiné, ou bien il serait parti le plus vite possible au moindre bruit, comme font toujours les assassins, ou bien il aurait été surpris et arrêté. J’aurais donc pu, le lendemain ou la nuit même, aller prendre l’argent, et l’on aurait mis le tout sur le compte de Dmitri Fédorovitch.

— Et s’il avait seulement frappé sans tuer ?

— Alors, je n’aurais assurément pas pris l’argent, mais je pensais qu’il aurait en tout cas frappé jusqu’à faire perdre