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— Parle, je t’en conjure, parle !

Il semblait calmé, il était sûr que cette fois Smerdiakov lui dirait tout.

— C’est-à-dire, comment la chose s’est passée ? dit Smerdiakov avec un soupir. Mais de la manière la plus naturelle. Les paroles que vous avez prononcées alors…

— Nous reviendrons plus tard sur mes paroles, interrompit Ivan sans colère, comme s’il fût rentré en pleine possession de lui-même. Raconte-moi seulement avec ordre et détail comment tu as agi, n’oublie rien. Les détails, tous les détails, je t’en prie.

— Vous étiez parti : je suis tombé dans la cave…

— Une vraie crise ou bien si tu feignais ?

— Évidemment je feignais. Je suis descendu tranquillement jusqu’en bas, je me suis étendu et aussitôt j’ai commencé à hurler jusqu’au moment où l’on vint me ramasser.

— Arrête ! Et aussi, après, à l’hôpital, tu feignais encore ?

— Pas du tout ; dès le lendemain matin, avant qu’on me portât à l’hôpital, j’ai été pris d’une véritable crise, la plus forte crise que j’aie eu depuis des années. J’ai été deux jours sans connaissance.

— Bien, bien ! continue.

— On me mit alors sur mon lit, dans ma chambre ; j’étais séparé de Marfa Ignatievna et de Grigori par une cloison. Pendant la nuit, je gémissais, mais doucement : j’attendais toujours Dmitri Fédorovitch.

— Comment ? tu l’attendais ? Tu croyais qu’il viendrait chez toi ?